Un plat "révolutionnaire"
Chef : Emile Cotte – Restaurant : Baca’v (Paris, Vème)
Origine de la tomate
Ce fruit amérindien était connu des Incas qui le consommaient à l’état sauvage. Ils l’appelaient tomatl puis tomata par les espagnols. Ce n’est pas Christophe Colomb qui la ramena lors de son premier voyage mais plus vraisemblablement Hernan Cortes au début du XVIème siècle. Au départ, l’originale était de la taille de nos tomates cerises d’aujourd’hui. Les multiples hybridations et manipulations ont donné au moins une centaine de variétés jusqu’à aujourd’hui avec les tomates issues de l’agro-alimentaire qui n’ont que le goût de l’eau dont elles contiennent 94%. Du coup, elles ne pourrissent plus et on en trouve toute l’année. Par contre, le goût et la texture ont disparu… A éviter absolument.
La tomate voyage en Europe
Sa consommation en Europe commence par Naples en 1560 qui était alors un port appartenant au royaume d’Espagne. Les napolitains l’appellent « pomo doro, pomme d’or » sans doute parce que les premières plantées sortirent jaunes. Puis elle arrive à Gènes et à Nice. En France, elle est d’abord plante ornementale jusqu’en 1760 dans le guide Vilmorin qui la met dans la rubrique plante potagère finalement en 1778.
Elle arrive dans le nord de la France et à Paris au moment de la révolution en 1793, amenée par les Marseillais qui montent à Paris. Contrairement à l’Italie qui l’utilise aussi crue en salades, on la cuit dans le nord en sauce tomate pour accompagner surtout les viandes suivant l’adage provençal « C’est la sauce tomate qui fait la bonne viande ».
Aphrodisiaque la tomate ? !
On lui a longtemps prêté des vertus aphrodisiaques d’où son nom « pomme d’amour » en provençal (paumo d’amour). Au début du XXème siècle, on vantait encore en Provence la réputation de la tomate pour revigorer un jeune homme épuisé par ses ébats amoureux.
Joseph Delteil, poète, écrivain iconoclaste et original du Languedoc, délire sur la symbolique de la tomate « La chair des tomates est énorme et sensuelle. Ô Tomates mûres, votre chair âcre et molle est nourrissante comme des seins, rose comme les pubis. »
Tomates farcies
Lors de l’arrivée de la tomate à Paris, Alexandre Balthazar Grimod de la Reynière, aristocrate fortuné mais presque ruiné, grand gourmand et fin gourmet de son époque, s’en fit le meilleur ambassadeur.
En 1804, dans son livre « L’almanach des Gourmands », il confirme que c’est « par l’inondation des gens du Midi pendant la Révolution que la tomate s’y est acclimaté ». Comme pour l’aubergine, c’est dans le restaurant « Les Trois Frères Provençaux » que le Tout-Paris découvrit la tomate avec les rougets à la provençale.
S’y côtoyaient Robespierre, Barras, plus tard Bonaparte, et notre Grimod de La Reynière. Il eut l’idée d’un « entremet délicieux », selon ses propres termes, qu’il appela
« La Tomate farcie dans sa redingote de chapelure ».
« Après avoir ôté les pépins, on la bourre de chair à saucisse, pétrie avec de la mie de pain, rassis, dans laquelle on a mêlé une gousse d’ail, persil, ciboule, et estragon haché. Cuire sur le gril, ou mieux encore dans une tourtière ou dans un four de campagne avec une bonne redingote de chapelure ».
Au fil des siècles suivants, la recette s’est améliorée tout en restant dans l’esprit initial. Auguste Escoffier proposait un nombre incalculable de recettes de Tomates farcies : à la Hussarde, à l’ancienne, à la Carmélite, à l’Italienne, à la Provençale, à la Portugaise, etc. La plus reconnue aujourd’hui encore est celle de Paul Bocuse. Dans la farce, il met du lard, de la chair à saucisse, du lait, des biscottes écrasées, ail, oignons, persil, œuf. Cuire au four avec une noix de beurre sur les tomates. Bocuse sans beurre, ce n’est plus Bocuse.
Accord plat & vins
Mas de la Dame
Cuvée « Coin Caché », rouge, 2020
Baux-de-Provence
C’est un vin étonnant par sa richesse aromatique et sa complexité. On le trouve sur de nombreuses tables étoilées. Un vin fin dans sa structure mais également gras. L’accord se fait parfaitement avec la tomate et surtout la farce. Une très belle découverte.
Le Mas de la Dame
13520 Les Baux-de-Provence masdeladame@masdeladame.com www.masdeladame.com
Stuffed tomatoes
Chef : Emile Cotte – restaurant Baca’v (Paris, Vème)
A « revolutionary » dish
Origin of tomatoes
This Native American fruit was known to the Incas who consumed it in the wild. They called it tomatl then tomata by the Spaniards. It was not Christopher Columbus who brought it back on his first voyage but more likely Hernan Cortes at the beginning of the 16th century. Initially, the original was the size of our cherry tomatoes today. The multiple hybridizations and manipulations have given at least a hundred varieties until today with tomatoes from the food industry that only taste like water, of which they contain 94%. As a result, they no longer rot and are found all year round. On the other hand, the taste and the texture have disappeared… To be avoided absolutely.
Journey through Europe
Its consumption in Europe begins in Naples in 1560, which was then a port belonging to the Kingdom of Spain. The Neapolitans call it "pomo doro, golden apple" probably because the first ones planted came out yellow. Then she arrives in Genoa and Nice. In France, it was first an ornamental plant until 1760 in the Vilmorin guide, which finally put it in the vegetable plant section in 1778.
It arrives in the north of France and in Paris at the time of the revolution in 1793, brought by the Marseillais who go up to Paris. Unlike Italy, which also uses it raw in salads, it is cooked in the north in tomato sauce, especially to accompany meat, following the Provençal adage "It's the tomato sauce that makes good meat".
Is the tomato aphrodisiac ? !
The tomato has long been credited with aphrodisiac virtues, hence its name “apple of love” in Provençal (paumo d’amour). At the beginning of the 20th century, the reputation of the tomato was still praised in Provence for reinvigorating a young man exhausted by lovemaking.
Joseph Delteil, poet, iconoclastic and original writer from Languedoc, raves about the symbolism of the tomato “Tomato flesh is huge and sensual. O ripe tomatoes, your acrid and soft flesh is nourishing like breasts, pink like pubis. »
Stuffed tomatoes
When the tomato arrived in Paris, Alexandre Balthazar Grimod de la Reynière, a wealthy but almost ruined aristocrat, great gourmand and fine gourmet, made himself its best ambassador.
In 1804, in his book "L'almanach des Gourmands", he confirmed that it was "by the flooding of the people of the South during the Revolution that the tomato became acclimatized there". As with eggplant, it was in the restaurant "Les Trois Frères Provençaux" that the celebrities of Paris (Robespierre, Barras, Bonaparte…) discovered the tomato with “red mullet à la Provençale”. Grimod de la Reynière had the idea of a "delicious entremet", which he called "The Stuffed Tomato in his coat of breadcrumbs".
“After removing the seeds, we stuff it with sausage meat, kneaded with crumbs of stale bread, in which we mixed a clove of garlic, parsley, spring onion, and chopped tarragon. Cook on the grill, or even better in a meat pie or in a country oven with a good coat of breadcrumbs”.
Over the following centuries, the recipe improved while remaining in the original spirit. Auguste Escoffier offered an incalculable number of stuffed tomato recipes: Hussarde, old-fashioned, Carmelite, Italian, Provençale, Portuguese, etc. The most recognized today is that of Paul Bocuse. In the stuffing, he puts bacon, sausage meat, milk, crushed rusks, garlic, onions, parsley, egg. Bake with a knob of butter on the tomatoes. Bocuse without butter is no longer Bocuse.
Comments